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Fatigué de ce monde Annexes du livre de Pascale Morice

Textes de la cérémonie d’adieu

Arnaud, à 16 et 18 ans.
Arnaud, à 16 et 18 ans.

Arnaud, à 16 et 18 ans.

Pour toi Arnaud, 17 janvier 2015

 

 

FATIGUE

texte du chanteur RENAUD : lu par Olivier et Pierre-Axel

 

Jamais une statue ne sera assez grande

Pour dépasser la cime du moindre peuplier

Et les arbres ont le cœur infiniment plus tendre

Que celui des hommes qui les ont plantés.

 

Pour toucher la sagesse qui ne viendra jamais

J’échangerai la sève du premier olivier

Contre mon sang impur d’être civilisé

Responsable anonyme de tout le sang versé.

 

Fatigué du mensonge et de la vérité

Que je croyais si belle, que je voulais aimer

Et qui est si cruelle que je m’y suis brûlé

 

Fatigué, fatigué.

 

Fatigué d’habiter sur la planète terre

Sur ce grain de poussière, sur ce caillou minable,

Sur cette fausse étoile perdue dans l’univers

Berceau de la bêtise et royaume du mal,

Où la plus évoluée parmi les créatures

A inventé la haine, le racisme et la guerre

Et le pouvoir maudit qui corrompt les plus purs

Et amène ce sage à cracher sur son frère.

 

Fatigué de parler, fatigué de me taire

 

Quand on blesse un enfant, quand on viole sa mère,

Quand la moitié du monde en assassine un tiers.

 

Fatigué, fatigué.

 

La liste est bien trop longue de tout ce qui m’écœure

Depuis l’horreur banale du moindre fait divers

Il n’y a plus de place dans mon cœur

Pour loger la révolte, le dégoût, la colère.

 

Fatigué d’espérer et fatigué de croire

A ces idées brandies comme des étendards

Et pour lesquelles tant d’hommes ont connu l’abattoir.

 

Fatigué, fatigué.

 

Fatigué de Haïr et fatigué d’aimer

Surtout ne plus rien dire, ne plus jamais crier.

Fatigué des discours, des paroles sacrées.

 

Fatigué, fatigué.

 

Fatigué de sourire, fatigué de pleurer

Fatigué de chercher quelques traces d’amour

Dans l’océan de boue où sombre la pensée.

 

Fatigué, fatigué.

 

Je voudrais être un arbre, boire l’eau des orages,

Me nourrir de la terre, être ami des oiseaux,

Et puis avoir la tête si haut dans les nuages

Qu’aucun homme ne puisse y planter un drapeau.

 

Je voudrais être un arbre et plonger mes racines

Au cœur de cette terre que j’aime tellement

Et que ce putain d’homme chaque jour assassine.

Je voudrais le silence enfin, et puis le vent…

 

 

 

 

 

Lettre à Arnaud écrite et lue par sa sœur Séverine

 

Mon frère chéri,

 

Je voudrais t’entourer de tout mon amour pour t’accompagner aujourd’hui dans ce dernier adieu.

 

Souviens toi de ces moments de si forte complicité que nous avons vécue dans notre enfance si soudée. Nous étions si proches dans nos jeux, dans nos pensées et nous vivions le divorce de nos parents à deux, ce qui rendait les choses plus légères. Dans ces moments là tu étais mon frère protecteur et tu savais me rassurer dans les passages difficiles, quand nous naviguions de Papa à Maman qui ont su rester amis pour nous.

 

J’admirais ton intelligence, tu comprenais tellement la difficulté de la vie. Mais tu vois, tu n’as peut-être pas su te protéger de cette si grande lucidité et tu n’as pas assez blindé ton cœur contre la méchanceté et la sournoiserie de certaines personnes que tu as croisées. Le monde est difficile et mal adapté aux hommes. C’est pourquoi il faut savoir faire des choix catégoriques et ne jamais revenir dessus.

 

Tu étais quelqu’un de droit et d’absolu. Une vie médiocre ne t’aurait jamais satisfait et tu n’es pas parvenu à trouver dans la vie ce que tu t’imaginais d’elle. Lorsque tu as cru te rendre compte de ton impossibilité à vivre selon tes désirs, tu as fait le choix de nous quitter ; et ta conviction devait être si forte que je respecte ton choix.

 

Je crois que le pire pour moi et ceux qui t’étaient proches est de penser que tu souffrais tant à nos côtés et que notre amour, nos idées, nos actions n’ont pas suffi à te retenir. Je crois pourtant t’avoir compris tout au long de ta vie, mais je me sentais parfois impuissante. Je t’ai pourtant toujours dit ce que je pensais, mais tu étais fier et décidé…. A présent je voudrais dire combien nos parents et particulièrement Maman ont donné pour toi. Maman est une mère exceptionnelle, qui nous aime, nous comprend, nous devine. Peut-être étais-tu tellement impliqué dans tes idées que tu n’as pas toujours su le voir. Mais je suis sûre d’une chose, c’est que tu aimais Maman, Papa, Paen, Olivier et Pierre-Axel. Nous étions trop proches et tellement persuadés que tu n’allais pas bien, que tu n’as pas choisi de te confier à nous au cours des dernières heures de ta vie, mais plutôt à Michel, Serge et Yohan, tes amis Nous voudrions les remercier pour tout ce qu’ils ont fait pour toi. Ils ont réussi à te rassurer, ils ont été admirables de courage et de persévérance.

 

Tu as eu de véritables amis, un sincère Amour, une famille aimante, mais d’autres choses ont pesé plus lourd t’ont obsédé, tu ne voyais plus les bons côtés, la vie devenait trop pesante pour toi. Tu étais si intelligent, si attachant que même dans les moments les plus difficiles on ne pouvait s’empêcher d’espérer que tu utiliserais tôt ou tard toutes tes richesses.

 

Arnaud, je m’exprime au nom de tous ceux qui t’ont véritablement aimé. Nous t’aimerons toujours, tu seras présent toute notre vie dans nos esprits et dans nos cœurs. Tu as trouvé la paix et nous sommes soulagés pour toi. S’il existe un au-delà, nous espérons que tu as trouvé la sérénité et le bonheur.

 

Séverine

 

 

 

 

 

Texte écrit et lu par sa mère

 

Je voudrais remercier tous ceux qui, à des intensités diverses en fonction de leurs relations avec nous, par leurs appels, leurs lettres, la force de leur pensée, accompagnent notre douleur.

 

Je voudrais remercier ceux qui se sont mobilisés autour de nous pour nous soutenir et ceux que la pudeur a empêché d’agir mais dont je sentais la présence à nos côtés. Je leur demande de continuer à m’aider, à nous aider dans l’avenir. Je suis en communion totale avec tous les parents qui ont vécu, sous cette forme ou sous une autre, la disparition d’un enfant car c’est une des déchirures les plus douloureuses et les plus injustes.

 

Je voudrais dire à tous les parents l’importance de ne jamais rompre le dialogue avec leurs enfants quand ils sentent une souffrance les envahir. En tant que mère, j’ai tout perçu, j’ai porté avec Arnaud sa souffrance de bout en bout, je la sentais moralement et physiquement. Mais malheureusement nous ne pouvons pas tout pour nos enfants. Nous les élevons avec infiniment d’amour, dans le souci de leur épanouissement personnel, mais en arrivant à l’adolescence notre tâche devient parfois si délicate….et pourtant nous voudrions déplacer des montagnes pour les aider à trouver le bonheur.

 

J’ai fait, tous ceux qui t’aimaient ont fait, tout ce qui était en leur pouvoir. Nous avons su par ses amis, qu’Arnaud en avait conscience, qu’il le savait et c’est pour moi, pour nous, malgré la douleur une source d’apaisement aujourd’hui.

 

Je veux garder au plus profond de moi notre tendre complicité, de mère à fils, tous les moments heureux et il y en eut énormément car Arnaud, au delà de ses difficultés était un enfant drôle, brillant, infiniment attachant, passionné et passionnant.

 

Je voudrais aussi et surtout m’adresser à tous les jeunes. Je voudrais leur dire combien je les aime personnellement, combien je me sens proche d’eux, combien je les comprends. J’ai avec plusieurs d’entre eux, présents ou absents, des liens très privilégiés. Je voudrais surtout leur dire que la vie est belle, si belle ! Je sais que pour certains plus sensibles, la société d’aujourd’hui parait difficile et pourtant, vous avez tant de richesses, tant de pureté, tant d’idéaux….je voudrais vous dire que, même dans notre monde imparfait, que nous percevons aussi comme tel en tant qu’adultes, mais dont nous tentons de nous arranger, il y a une place pour ces idéaux.

 

Je voudrais vous dire que vos intelligences, vos potentialités, vos imaginations sont vos richesses, les richesses de l’avenir. Je voudrais vous dire que chaque difficulté surmontée, passagère ou plus profonde, vous fortifie et vous prépare à passer le pas de l’adolescence à l’âge adulte.

 

J’ai déjà traversé dans ma vie des épreuves douloureuses et j’espère trouver en moi les énergies qui transformeront cette douleur en rédemption.

 

Pascale

 

 

 

 

 

Texte écrit et lu par son père

 

Si mon émotion m’étrangle, mon épouse me relayera, quand on trébuche on fait un plus grand pas.

 

Un seul geste peut arrêter le temps, mais Arnaud nous laisse sa graine d’utopie.

 

Que ce geste :

  • Puisse aider les failles à se rapprocher et à tendre vers l’harmonie
  • Puisse faire comprendre à chacun l’importance de l’instant présent
  • Qu’il faut aimer les gens du temps de leur vivant,
  • Puisse la vérité de chacun être dite sans que le poète soit exécuté.
  •  

Je voudrais également dire le bonheur que je ressentais lorsqu’Arnaud et Séverine venaient me voir puis le déchirement de leur départ.

 

Arnaud tu resteras toujours dans mon cœur.

 

Hubert

 

 

 

 

 

Texte écrit et lu par son Beau-père

 

Arnaud,

 

Dans le respect de ton père et parce que j’aime ta mère, je t’ai aimé et élevé depuis ta petite enfance comme un père. Même s’il y eut des moments difficiles, en raison des souffrances que tu portais, je garde la mémoire de toutes les heures passées avec toi : joyeuses, émouvantes, enrichissantes par nos forts échanges d’idées.

 

Par le souvenir vivant de ce que j’ai reçu de toi, c’est toi qui demeure vivant en moi.

 

François

 

 

 

 

 

Lettre posthume d’une jeune fille qui s’est donné la mort.

 

Et voilà que le vent de la Vie

S’est soudainement mis en tempête.

J’étais sur la jetée et regardais

La vague qui clapotait le port

Comme pour mieux raffermir les fragiles voilures.

 

Et voilà que le vent de la Vie

S’est mis en tempête

Qu’une tourmente est venue m’habiter

Voilà que le doute est venu m’envahir

Que mes yeux se sont remplis de brouillard

A ne plus voir, à ne plus savoir

Où aller et comment avancer.

 

Pourquoi cette folle tourmente

Qui est venue bousculer ma jeunesse

Déchirer mes espérances et mon envie de vivre ?

Pourquoi cette folle obsession

Qui est venue changer mon regard

Celui de ceux que désormais j’inquiétais,

Celui de ceux qui souffraient près de moi

Et avec lesquels je souffrais ?

 

Pourquoi cette folle obsession

Envahissante à ne plus voir, à ne plus savoir ?

Et voilà que le vent s’est mis en tempête

A ne plus supporter la Vie.

 

Alors, doucement je l’ai quittée

Pour ne plus être happée par cette folle tourmente

Pour ne plus entendre cette folle obsession

Pour rejoindre le calme de la lumière

Que j’ai tant désiré et tant espéré.

 

Je suis de l’autre côté du chemin,

Je reviens du port et la tempête s’est apaisée.

Je suis là près de vous.

 

 

 

 

 

Texte écrit par Benoît, l’un de ses cousins paternels

 

Je voudrais exprimer la perception que j’avais d’Arnaud ou Nano lorsque nous étions plus jeunes.

 

En effet, voilà quatre ans que je ne l’avais pas revu.

 

Je me souviens de lui comme quelqu’un d’attentif à ses frères et sœur, rempli de sentiments et de douceur à leur égard. Pour ma part, en bien des points il avait déteint sur moi, sur un plan musical, critique de la société et bien d’autres encore. De plus, il fût une sorte de modèle sur le jeunot que j’étais.

 

C’est lui qui m’a fait fumer ma première clope, fait faire mes premières conneries.

 

Je pense qu’Arnaud était né pour braver les interdits et vivre en marge. Peut-être était-ce ce qui m’attirait en lui ?

 

J’ajouterais que ce que je souhaite et espère de tout mon cœur et de toute mon âme, c’est qu’il trouve sa voie et atteigne la quiétude et la paix, où qu’il soit maintenant, au paradis ou parmi les étoiles.

 

Arnaud, nous pensons à toi et ne t’oublierons jamais quelques aient pu être les erreurs de ta trop courte vie.

 

Benoît

 

 

 

 

 

Texte écrit par une amie de Pascale et François

 

Ma chère Pascale,

 

Où puiseras-tu encore une fois les forces nécessaires pour surmonter ce drame, sans nul doute le plus cruel ? Comment combleras-tu jour après jour cet abîme ?

 

François est là, solide, aimant et consolateur ; tes enfants éprouvés et déchirés aujourd’hui, t’aiment, t’épaulent, sont ton espérance et ton soutien.

 

Ton don aux autres depuis si longtemps va te permettre de recevoir à ton tour la chaleur de l’amitié partagée. C’est nous tous aujourd’hui qui sommes responsables de ta survie et de ta renaissance à une autre vie sans cet aîné évanoui.

 

Arnaud sera présent quotidiennement dans les moindres bruits et les plus simples objets de la maison. Mais comme tu l’as porté en ton sein il y a vingt-deux ans il accompagnera ton âme à chaque instant sans faillir. Tu le garderas à jamais en toi, sans partage.

 

Nous prions pour ton fils et aussi pour vous tous qui vivrez autrement à partir de ce 9 janvier. Restez soudés, c’est votre force, ta force.

 

Jeanne-Marie

 

 

 

 

 

Texte écrit et lu par le cousin de Pascale

 

Arnaud est parti On ne part pas vers le néant. On part vers ailleurs.

 

Arnaud a quitté notre monde imparfait et inquiétant, parce qu’il n’y trouvait pas sa place. Son geste nous pose des questions essentielles, car Arnaud se posait des questions essentielles : pourquoi vivre, pourquoi travailler, pourquoi être attentif aux autres ? Des questions d’adolescent, comme disent les adultes en souriant et ils ont tort de sourire.

 

Son exigence, sa rigueur, son refus de compromis ne trouvaient pas de réponse ici-bas. Alors Arnaud a choisi le grand voyage dont parle Baudelaire.

 

Mais on ne se résout pas à la séparation. On ne veut pas, on ne peut pas accepter l’absolu de la rupture. C’est que, peut-être et d’une manière paradoxale, le vide que laisse le disparu dans nos vies est une présence.

 

L’énergie qui portait Arnaud ne s’est pas dissoute. Elle est en tous ceux qui l’ont connu, qui l’ont aimé. Je ne dis pas ça par refus de la réalité, pour retarder notre travail de deuil. Tout simplement, quand j’ai appris la disparition physique d’Arnaud, j’ai su en même temps que son parcours n’était pas terminé, parce que le dialogue qu’il a engagé depuis vingt deux ans avec tous ceux qui l’aimaient se continuera, j’en suis persuadé, pour tous ceux qui le veulent.

 

Stéphan

 

 

 

 

 

Témoignage d’une cousine paternelle d’Arnaud

 

J’aimerais rendre hommage à Arnaud.

 

Arnaud était mon grand cousin, je l’aimais beaucoup, il a beaucoup compté pour moi. Je l’avais un peu idéalisé, il était une sorte de modèle : parce qu’il était plus âgé bien sûr, mais surtout parce qu’il était très intelligent. Arnaud, c’était celui qui disait ce qu’il pensait, qui affirmait ses idées avec force, courage et même insolence parfois.

 

Je me souviendrai aussi des très bons moments que nous avons passés entre cousins et cousines, avec Arnaud et grâce à Arnaud…voilà.

 

C’est pourquoi je ne l’oublierai jamais.

 

Ariane

 

 

 

 

 

Lettre écrite et lue par un ami de Pascale et François

 

Pascale,

 

Je suis comme mes enfants, comme Jacqueline et comme tous vos amis, bouleversé par la mort d’Arnaud. Je me sens totalement impuissant et pourtant je voudrais tellement t’apporter un réconfort, si minime soit-il, mais je n’ai que de pauvres mots.

 

Tu vis l’épreuve la plus terrible qui puisse être pour une mère. Tu avais donné la vie à Arnaud et il ne l’a pas gardée.

 

Pourtant Dieu sait que ton amour, celui de Séverine, de ses frères et celui de François ne lui ont jamais fait défaut. Nous le savons tous, qui vous connaissons bien pour avoir passé tant d’heures ensemble. Mais je tiens à te le dire, du fond du cœur, pour répondre à la terrible interpellation que comporte ce geste désespéré.

 

Je pense qu’Arnaud qui était sensible, intelligent, mais écorché vif ; n’a jamais voulu ou pu accepter la réalité de la vie, la dureté du monde des hommes avec tout ce qu’il comporte de complaisance voire de mensonge.

 

N’était-il pas écartelé dans ce paradoxe qui pousse à fuir le cocon protecteur de la famille, tout en n’ayant pas la force d’assumer le lot de tracasseries, de contrariétés, d’injustices auxquelles expose nécessairement toute vie indépendante dans la société ? Vivre demande tous les jours et certains jours beaucoup plus que d’autres, du courage pour affronter les petites et grandes cruautés, les revers de l’existence. Vivre c’est l’admettre. C’est savoir que chaque jour est fait d’effort, de lutte, parfois de joie, d’un peu de grandeur rachetant peut-être beaucoup de médiocrité. Mais vivre sa vie est difficile à vingt ans, alors qu’on commence à peine à se connaître et qu’on n’aura peut-être jamais fini de le faire.

 

Tout cela, tu le sais, bien sûr. Mais enfermé probablement malgré lui et en tout cas douloureusement dans sa vision ou son désir d’un monde absolu et irréel, Arnaud n’a pas voulu l’accepter.

 

Nos pensées, notre imagination, nous entraînent souvent hors du réalisable, hors de ce que nous permettent nos limites physiques. C’est bien pourquoi nous nous sentons, de temps à autre, comme étrangers à nous-mêmes, à notre propre vie. Mais accepter de ne pas accomplir nos évasions mentales fait aussi partie de notre existence.

 

Arnaud n’est sans doute jamais venu à bout de cette contradiction que porte en lui tout homme. Cette contradiction, il l’a refusée, niée, tout en la laissant l’envahir au point de lui faire fuir la vie et finalement, surtout, de se fuir lui-même pour avoir acquis la conviction qu’il n’aurait pas le courage d’affronter les aléas, les oppositions, les désillusions et tous les autres avatars qui font à la fois la petitesse de l’existence, maïs aussi l’humanité de ceux qui les assument.

 

Il était sans doute conscient depuis fort longtemps de tout cela, de tout ce potentiel à la fois de création et de rejet qui était en lui. Il a vécu porteur de cette lutte intérieure que ses emportements nous laissaient entrevoir. Il l’a dominée autant qu’il a pu le faire, sans s’épancher et il est arrivé un jour où il a laissé se rompre le fil de sa vie parce qu’il a cessé, un instant, de croire qu’elle était encore chargée d’espoir.

 

Et cet instant qui l’a précipité dans l’éternité, il t’en a fait, il vous en a fait, à toi, Séverine, ses frères, François, l’abandon. Et c’est ainsi que je veux terminer cette lettre, chère Pascale, parce qu’au-delà de la douleur immense il faut croire que, tous ses tourments apaisés, Arnaud continuera de vivre dans votre cœur, dans le cœur de tous ceux qui l’ont aimé et qui continueront, par delà de la mort de l’aimer.

 

 

Pascal

 

 

 

 

 

Texte écrit et lu par un couple d’amis de Pascale et François

 

Ton acte, Arnaud, nous amène tous à réfléchir, parents et amis, adultes et jeunes : sur toi, sur nous, sur nos vies et le sens que nous leur donnons.

 

On évoque les souvenirs, qu’il s’agisse des joies, des découvertes, des rencontres comme des difficultés et des échecs ; Tu t’intéressais à tes études, tu admirais la beauté, tu aimais la fête. Tu as connu la chaleur d’une famille, tu as vécu un amour passionné, tu as fait naître autour de toi des amitiés solides. Même aujourd’hui, nous restons sûrs que tu aimais la vie, que tu reconnaissais tout ce qu’elle t’avait déjà apporté, que tu demandais de combler ta soif d’absolu.

 

Il est vrai qu’une quête aussi exigeante est difficile à mener, à assumer. Nous les adultes, le savons d’expérience. Les jeunes s’interrogent et ont parfois peur d’échouer, ont peur de renoncer à leur intransigeance pour s’abandonner aux compromis. Mais les épreuves peuvent aussi nous renforcer, nous obliger à progresser. Combien de fois sommes-nous tombés avant de savoir marcher ?

 

Chacun a sa place dans ce monde, une place qu’il n’est pas toujours facile de découvrir mais qui nous permet de nous réaliser. Pour nous adultes, cette notion est plus évidente car nous sommes insérés dans ce monde, nous y avons trouvé un rôle, nous y assumons des responsabilités. Vous les jeunes, qui ne pesez pas encore de tout votre poids, vous vous sentez parfois flotter, hésiter devant des choix qui vous renvoient à vous- mêmes. Notre tâche de parents est difficile, nous devons concilier, dans la tendresse, fermeté et compréhension, respect de votre liberté et affirmation de nos convictions, pour vous inciter à évoluer sur un chemin qui n’est pas le nôtre. Notre rôle est de vous encourager, nous aimerions avoir davantage le pouvoir de vous épauler mais nous savons que vous serez seuls pour franchir le pas.

 

Entrer dans le monde adulte, c’est se fixer un but, construire sa vie par soi-même avec une claire conscience de ses forces et de ses faiblesses, de ses capacités et de ses limites. Nous devons quitter les contes de fées de notre enfance où tout se règle par un coup de baguette magique. Gardons le rêve, tout en renonçant à la magie, aux illusions. Ce rêve, nous l’approchons laborieusement, imparfaitement sans doute mais alors, ce n’est plus un songe gratuit mais un élan qui s’incarne dans la réalité, dans la vérité. En même temps que nous le construisons, il nous construit et nous rend plus solide, plus acteur, plus fertile. Pour donner du fruit, un arbre ne peut faire l’économie d’aucune des étapes de sa maturation, de son enracinement et de sa croissance.

 

Arnaud, tu nous a légué un cadeau précieux : ton exigence, ta soif d’absolu. Puissions nous la conjuguer avec la persévérance, la confiance et ne lâchons jamais la main de la petite fille Espérance.

 

Anne et Dominique

 

 

 

 

Arnaud, à 21 ans.

Arnaud, à 21 ans.

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